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une fortune. Je n’en ai point. Je vais les prendre. Ensuite, je souillerai le nom, je vilipenderai la fortune, j’installerai dans le château le complice de mon infamie. » Et parce qu’elle était jolie, elle fit tout ce qu’elle voulut, car le jeune homme l’aima. Cependant, quelque aveuglé qu’il fût, le jour vint où il s’aperçut qu’on trompait sa confiance, qu’on faisait litière de son amour, qu’un misérable lui avait pris son honneur, que la pureté même de son antique race était à jamais compromise. D’autres se seraient vengés. Lui, étant bon, fut seulement pris d’un immense désespoir. Pourtant, il fit un suprême effort pour sauver celle qui l’avait perdu : il l’adjura de rentrer dans le bon chemin. (On racontait la scène, en détail, avec preuve à l’appui : est-ce que les domestiques n’avaient pas vu les deux époux s’enfermer ensemble pour un long entretien ? est-ce qu’ils n’avaient pas entendu les éclats de leurs voix, qui montaient dans la dispute ? d’ailleurs, quelque femme de chambre devait bien avoir écouté par le trou de la serrure, et c’était d’elle, sans doute, qu’on tenait le récit.) Au lieu d’écraser la misérable, le mari, qui aimait, la supplia : on ne lui répondit que par d’odieux sarcasmes. Il offrit en vain l’oubli et le pardon : tel était l’endurcissement de la perverse créature, qu’il n’en put pas même obtenir une promesse cha-