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tomba, je me mis à pleurer tout de bon. Et mes larmes touchèrent ma marraine, dont l’âme compatissante pouvait comprendre toutes les tristesses ; en sorte qu’elle capitula :

— Viens, Philippe ! me dit-elle… Mon pauvre petit Philippe !… Va, va, ce n’est pas moi qui te ferai du chagrin pour si peu de chose… Mais c’est fini !… Ne pleure plus !…

Ses douces mains caressaient mes cheveux, ses douces lèvres se posèrent sur mon front, sa douce voix me répétait :

— Tu es un bon Philippe !… Un gentil Philippe !… Un cher petit Philippe !…

C’était charmant. Bientôt consolé, j’oubliai ma sotte humeur, j’embrassai ma marraine, et conservai de cette petite scène l’orgueil de ma victoire et le sentiment de ma dignité de grand garçon, enfin conquise…

Or, le jour fatal, à midi, quand je revins de l’école, mon père, qui tenait à l’heure exacte du déjeuner, n’était pas encore rentré ; comme il tardait, ma mère s’inquiéta :

— Il devait passer au château, pour voir le petit Anthony, dit-elle, qui est malade. Serait-ce grave ?

Notre attente se prolongea plus que de raison.

Enfin, mon père arriva. Il était pâle, bouleversé. En entrant, il demanda :