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II


Je me rappelle, comme si c’était hier, le jour tragique ; le souvenir si précis que j’en ai demeure lié, dans ma mémoire, à un autre souvenir, puéril et charmant, celui-là.

J’avais sept ans. Peu de jours auparavant, nous avions eu la visite de ma marraine, gaie et gentille comme d’habitude. Après avoir causé un moment avec mon père, elle ne s’était plus occupée que de moi, — et nous avions eu notre première querelle.

Jusqu’alors, quand elle ne m’appelait pas « filleul », elle m’appelait « bébé ». Or, je devenais un gamin, dans le sens vaniteux et insupportable que ce mot comporte : j’allais à l’école, je jouais aux billes, je faisais le coup de poing avec mes camarades, je déchirais mes culottes, je tachais mes blouses, et de tout cela j’étais très fier. Ce terme de « bébé » m’offusquait : il ne pouvait plus convenir à un personnage de mon importance ; j’avais pris la réso-