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qu’alors internés aux Pleiges, et qui s’en allèrent passer un hiver dans le Midi. Cet hiver-là fut mélancolique pour tout le monde : les Lesdiguettes s’étaient aussi absentés avec leur train, de sorte que la ville semblait plus morne encore que de coutume. Mlle  Éléonore y promenait son abandon, non sans se plaindre de l’égoïsme de ses petits-neveux qui auraient dû, selon elle, l’emmener avec eux. Quant à mon cousin Jacques, le pauvre garçon ne s’amusa pas : il n’était plus qu’un héros déchu, un don Juan sans Elvire, une épave oubliée par le beau vaisseau parti vers la lumière. Après l’avoir envié, on s’apitoya sur son compte avec des douceurs qui griffaient. Il y eut des conversations dans ce goût-ci :

— Vous voyez qu’il n’y avait rien, puisqu’elle est partie.

— Je vous l’avais bien dit.

— On est toujours très pressé de croire au mal.

— Après tout, qu’est-ce que nous en savons ? La seule chose certaine, c’est qu’à présent, on nous l’a laissé pour compte !

Le revirement se dessinait d’autant mieux que, depuis la mort de son père, Pierre des Pleiges se trouvait être le chef de la famille, que l’antique respect inspiré par son nom se reportait sur lui seul, qu’on le savait épris de sa femme et dominé par