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teusement des propos qui l’accompagnaient :

— Il dîne au château… Ah ! ah !…

— Pas possible !… Qu’en dit le comte Anthony ?

— Il le trouve charmant !

— Est-ce bien vrai ?… Et le vicomte ?

— Ah ! lui, il approuve tout ce que fait sa femme. Et vous savez, c’est elle qui invite !

— C’est elle, ah ! vraiment… Vous êtes sûr que c’est elle ?

— Parfaitement.

De tels propos couraient la ville, défrayant les conversations chez les « gros » et chez les « minces », selon les expressions locales qui désignent les classes extrêmes de la population. Nos bons horlogers interrompaient leur patient travail pour s’étonner, leur loupe fichée au milieu du front comme un œil de cyclope. Il y avait du scandale dans l’air. On rapportait que Mme d’Ormoise avait osé dire :

— On a toujours tort de se mésallier !

Et de bonnes dames secouaient leur tête respectable en approuvant ce propos, marqué au coin de la sagesse.

Le comte Anthony et sa mère étant morts à peu d’intervalle l’un de l’autre, ce double événement interrompit les commérages. Il fut d’ailleurs suivi d’une absence prolongée des jeunes époux, que les exigences de la vie de famille avaient jus-