Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

m’en donneras des nouvelles ! Quant aux femmes, elles sont petites, pointues, guindées, loquaces. L’aisance générale leur enlève, ou à peu près, la ressource des bonnes œuvres ; il ne leur reste donc d’autre occupation que le commérage. Elles en abusent : leur bonté n’ayant pas l’occasion de s’exercer, c’est leur méchanceté qui se développe.

Il me sembla que Philippe devenait satirique. Je ne pus m’empêcher de l’interrompre en insinuant :

— Voilà un tableau qui promet.

Il se reprit :

— Peut-être vais-je un peu loin dans ma critique. C’est parce que je pense à ma pauvre marraine, qui a tant souffert par eux, — oiseau du Paradis tombé dans une ruche et dévoré par l’essaim. Mais je t’assure que ces gens ont d’excellentes qualités. Leur commerce n’est point aussi désagréable que mes paroles ont pu te le faire croire ; ils ne manquent ni d’esprit ni de finesse ; à défaut de bienveillance, ils ont du bon sens ; ils ne sont pas aimables, mais ils sont loyaux et solides. Il en est d’eux comme du paysage : on s’y accoutume et on l’aime.

Philippe s’arrêta un instant pour rallumer son cigare, en tira quelques bouffées, continua :

— Il faut maintenant que je t’introduise de plus près dans ce monde dont je viens