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ils les colportent, ils les répètent, ils les aggravent comme s’ils y croyaient. Ce sont d’honnêtes gens insupportables, qui feraient presque aimer toutes les abominations, par la façon dont ils les détestent et les combattent. Ils ressemblent à ces haies d’épines qui séparent leurs champs : en automne, elles portent de bons petits fruits dont on peut faire des confitures ou du sirop ; mais elles piquent toute l’année.

Tel est le fonds de la population.

Mais il y a « la noblesse », comme dit le menu fretin, c’est-à-dire une douzaine de familles, qui constituent un petit cercle très fermé, avec des subdivisions. Trois ou quatre d’entre elles sont de noblesse authentique ; deux ou trois sont parvenues à affubler leur nom de la particule ; les autres ne sont acceptées qu’en raison de leur fortune et du mélange des classes. Comme il arrive aux animaux humains qui vivent d’une existence semblable, ces personnes ont fini par se ressembler entre elles. Leur type ne varie guère : l’homme est solennel, épais, sentencieux, lourd dans sa démarche, lent dans ses paroles, plutôt gras, car la bonne chère est son seul défaut, si tant est qu’il en puisse avoir un. Tu sais que nous touchons à la Bresse, terre classique de la gourmandise, que nos ruisseaux abondent en truites que tu as pu apprécier, et en écrevisses que tu apprécieras demain, « à la Nantua ». Tu