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après-midi pour acquérir une idée assez exacte de ce qu’en est la population. La province se ressemble toujours à elle-même. Pourtant, il y a des nuances : ici, l’on est avant tout tranquille et travailleur. Point de bruit : toi qui aimes le silence, tu seras servi à souhait. En revanche, beaucoup de travail. D’honnêtes artisans, qui sont à la fois bourgeois, paysans et ouvriers, confectionnent des mouvements de montres, tant que durent les quatre saisons, sans se reposer jamais, sauf les dimanches et jours fériés qu’ils observent pieusement. Ce métier, qui absorbe leur vie, leur assure, pour leurs vieux jours, une modeste aisance : retirés des affaires, ils cultivent de petits jardins autour des anciens remparts ; ceux qui ont le mieux réussi achètent, hors de ville, une maison dans le genre de la mienne, car je la dois à mon arrière-grand-père, qui fut horloger comme les autres. Parfois, au bout de trois ou quatre générations, quelque membre de la famille ayant couru le monde ou fait fortune, les petits-fils des artisans les plus économes sont devenus des espèces de gentilshommes campagnards : ils vivent alors de leurs terres, qu’ils cultivent en s’aidant du produit de leurs valeurs mobilières, placées en bonnes rentes ; et il est bon qu’ils en aient, car notre sol est peu généreux. Un trait frappant de ces familles, enri-