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dans mes yeux, ma vie a eu ses secrets ; ma beauté, selon le lot spécial à la beauté, a fait couler des larmes… » En sorte que, le soir, quand nous fûmes installés, pour la veillée, dans le petit salon Louis XVI, — car un violent coup de bise nous privait du plaisir de passer la soirée en plein air, — ce fut moi qui rappelai sa promesse à Philippe. Il ne fit aucune difficulté pour la tenir. Son récit m’intéressa beaucoup plus que je ne l’aurais pensé : il contenait, en effet, la matière d’un roman, mais d’un roman simple, comme je les aime, d’un roman sans aventures extraordinaires, qui n’est qu’un feuillet de la vie du cœur. J’employai donc les quelques jours que je passai aux Pleiges à le transcrire, aussi fidèlement que j’ai pu, dans les pages qui vont suivre. La veille de mon départ, dans le même décor du salon Louis XVI, sous les regards des vieux portraits, j’en fis lecture à Philippe. Il m’a dit :

— C’est presque tout à fait cela. Allons, tu es un bon sténographe !

Ai-je besoin de dire que ce compliment ambigu n’a point froissé mon amour-propre d’auteur ? Ce n’est pas moi qui parle ici, c’est mon ami ; si je n’ai trahi ni son émotion ni son affection, j’ai fait tout ce que je me suis proposé de faire, et je lui offre ce petit récit dont il est le véritable auteur.