coupa les communications, nous isola du reste du monde. Nous étions comme enveloppés dans un vaste linceul, épais, moelleux et lourd, que prolongeait l’infini d’un ciel laiteux ; et les yeux se fatiguaient de cette blancheur implacable. D’habitude, notre petite famille célébrait sans bruit, mais avec une intimité très douce, le commencement de la nouvelle année. Nous veillions ensemble jusqu’après minuit. Quand notre vieille pendule sonnait ses douze coups, mon père, un peu enclin aux pensées mélancoliques, murmurait en hochant la tête :
— Savons-nous ce que celle-là nous apportera ?
Ma mère, avec la sérénité de sa tranquille nature, ne manquait pas de répondre :
— Il faut avoir confiance !
Et nous choquions nos verres de vin chaud, jusqu’à ce que la grosse bûche qui brûlait dans la cheminée fût près de s’éteindre. Ce n’était point, si tu veux, une fête, mais c’était la joie de l’intérieur bien clos, bien chaud, bien familier, à l’abri des rafales, tout embelli par l’affection. Cette année-là, une insurmontable tristesse pesait sur nous, épaisse et infinie comme la neige du dehors. Ma mère passa la soirée de la Saint-Sylvestre au château, d’où elle revint les yeux en larmes. J’étais resté seul, mon père ayant été appelé