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jours raison. Pourtant, cette fois, elle se raidit en répondant :

— Oh ! certainement non, madame, la comtesse ne recevra personne !

Mme d’Ormoise baissa la tête, parut un peu confuse, réfléchit et trouva ceci :

— Vous continuerez pourtant à la voir chaque jour, vous, chère madame ?

Ma mère répondit :

— C’est que moi, madame, je n’ai jamais cessé de la voir.

C’était l’extrême limite de la critique qu’elle se serait permise.

En se levant pour prendre congé, Mme d’Ormoise dit encore :

— Surtout, chère madame, ne manquez pas de lui dire que j’ai pris la part la plus vive à son grand chagrin, et que je pense beaucoup à elle, beaucoup, n’est-ce pas ?

Ma mère s’inclina sans répondre, incapable de prendre un engagement qu’il lui eût été impossible de tenir, et la vieille dame partit enfin, avec un dernier sourire confit.


Oh ! le lugubre nouvel an que nous passâmes !

Je me rappelle que la neige était tombée avec une abondance extraordinaire, même en ce pays où chaque hiver en voit de véritables entassements. Lente, molle, incessante, elle descendait à gros flocons étoilés. Bientôt elle obstrua les routes,