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au courant », me donnait le plus de temps possible, partait en m’invitant chez lui :

— Mon pays est un beau pays, me répétait-il chaque fois. Il faut absolument que tu le connaisses. Je veux que tu l’aimes.

J’acceptais pour l’été. Mais un empêchement survenait : la partie était remise à l’année suivante.

Elle a eu lieu, enfin, cette année-ci.

Je suis arrivé, par un beau jour de juillet, dans la vieille bourgade, si originale, si pittoresque, dont Nattier m’avait dit souvent le charme bizarre, et dont l’aspect m’a tout de suite impressionné. Représentez-vous un petit lac, aux eaux que colore en vert la tonalité générale du paysage ; un ancien château fort, avec des tourelles, des meurtrières, des fossés, — tout un appareil d’un temps évanoui, — domine la lente colline où s’étagent les vieilles maisons. Dans les rues silencieuses, pavées de grosses pierres inégales, on passe sans rencontrer personne ; seulement on aperçoit, dans des ateliers ou des boutiques, de laborieux horlogers, la loupe au front, courbés sur les délicates pièces de métal que manient leurs mains attentives. Il y a aussi une église romane, d’un style assez pur, dont les vastes proportions semblent attester que la ville eut jadis plus d’importance ; un évêché qui n’a plus d’évêque et dont on a fait une prison ; une terrasse