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— Tiens, c’est toi ! me dit-il. Tu es donc ici ?

Je lui répondis froidement :

— Oui, je suis ici.

Et je fis mine de continuer ma route. Il me retint, en se dandinant devant moi.

— Attends un peu, me dit-il. Tu ne sais pas que ton ami de là-bas (d’un regard il désigna le château) est très malade !

— Oui, je le sais. Je viens de prendre de ses nouvelles.

— Comment va-t-il ?

— Très mal.

— Ah !…

Alors, le trouvant bien hardi d’avoir osé me parler d’Anthony, je laissai éclater mon indignation, en phrases que hachait mon grand besoin de pleurer :

— Oui, il est très malade… Et c’est votre faute…, votre faute à tous !… Vous l’avez tourmenté…, vous l’avez fait courir…, alors, il a pris froid…, et il va mourir… ; et c’est vous qui l’aurez tué !…

Le grand garçon m’écoutait sans répondre, la tête basse, l’air piteux, debout au milieu de la rue, les mains dans les poches de son pardessus. Il essaya de protester :

— Oh ! non ! fit-il.

Je répétai avec énergie :

— Oui, vous, vous, vous !… Tu le sais bien… Tu sais bien que vous le détestiez… Il ne vous avait pourtant point fait de