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Et j’allais à petits pas, ma marche ralentie par la peur de ce que j’allais voir.

Le château s’ouvrit devant moi comme un caveau funéraire. Il me parut abandonné déjà. Sous les voûtes du vestibule, mes pas éveillèrent des échos que je ne connaissais pas. Machinalement, je me dirigeai vers la salle d’études, dont je poussai la porte. Elle était vide. Je m’en éloignai en frissonnant. Comme je restais là, sans savoir où aller, je vis ma marraine qui descendait l’escalier. Et je la reconnus à peine. Ah ! cette fois, Mme d’Ormoise aurait pu le dire en toute vérité : elle avait vieilli. De je ne sais combien d’années ! Jamais je n’avais vu de tels yeux de fièvre brûler dans un visage que labourait l’angoisse. Elle vint à moi :

— Ah ! c’est toi, filleul ! me dit-elle, sans s’étonner de me voir là. Il va mal…, il va très mal…

Je ne savais que lui dire. Je murmurai :

— Oh ! marraine…

Elle sanglota :

— Adieu ! Je retourne auprès de lui.

Et elle disparut.

Je repris le chemin de la ville, en proie à cette tristesse des enfants qui ne comprennent pas encore, mais pressentent déjà la cruauté du sort des hommes, rempli de compassion pour le petit agonisant dont j’évoquais la souffreteuse figure, pour la pauvre femme que je venais de