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rions voulu, ni même, bientôt, comme nous l’aurions pu. Ce n’était ni sa faute ni la mienne : c’était celle de la vie, peu propice aux grandes amitiés, destructrice naturelle des sentiments. Souvent, il nous arriva de passer toute une semaine sans nous rencontrer ; en revanche, nous restâmes pendant plusieurs années fidèles à l’habitude de dîner ensemble, le dimanche, dans une certaine crémerie de la rue Monsieur-le-Prince, où l’on buvait un petit vin de Beaugency qui nous plaisait extrêmement. Cette habitude entretint notre confiance réciproque : chacun de nous resta pour l’autre un livre ouvert, et il ne nous arriva rien que nous ne mîmes en commun. Les vacances nous séparaient : à leur approche, nous faisions le projet de les passer ensemble ; quelque obstacle nous en empêchait toujours. Nos parents n’habitaient plus la même contrée, il y avait trop d’espace entre nous. Une fois pourtant, nous fîmes ensemble un voyage en Italie : un beau voyage, joyeux et libre, dont nous aimons toujours à réveiller le souvenir. Nos études, cependant, s’achevèrent : nous fûmes plus séparés. Philippe s’établit aux Pleiges, où il reprit la clientèle de son père, qui se retira, et, peu de temps après, mourut. Je ne le vis plus que de loin en loin : il venait une fois par année à Paris, au printemps, restait huit jours, qu’il consacrait à « se tenir