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des aspects pareils à ceux qui se déroulent aux pieds de nos sommets, d’une égale beauté, d’une égale grandeur, et remués par les orages. Nous l’aimons de confiance, avec un peu d’effroi ; nous la redoutons et nous rêvons de la connaître. J’enviais mon petit ami, qui me quitta en disant :

— Je te raconterai…

Comme dans la fable que tu sais.

Au retour, il tint parole : il rapportait plusieurs boîtes de coquillages, dont il me fit ma part, toutes sortes d’histoires de pêcheurs, de barques, de tempêtes, et une profonde nostalgie, comme d’avoir quitté la nature où son âme s’épanouissait dans de mystérieuses concordances. Si appliqué avant son voyage, il devint distrait pendant les leçons. Quelquefois, il lui arriva de les interrompre pour rêver tout haut :

— … Il y avait un écueil qu’on appelle la Chaire-au-Diable. J’y ai passé des heures, des heures, des heures. On entendait la mer qui chante toujours comme si elle avait une voix. Dans le lointain, elle s’unit avec le ciel.

Ou bien, tout à coup, au beau milieu du fameux morceau de Virgile qui décrit la tempête :

— Oui, oui, c’est bien cela ! Moi aussi, j’ai vu une tempête. Il y avait une barque sur les vagues. J’ai couru le long du ri-