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parenthèse, se ratatinait et se ridait comme une pomme oubliée dans un cellier, — dit à ma mère :

— Vous voyez toujours quelquefois la comtesse, chère madame ? Ne trouvez-vous pas qu’elle change beaucoup ?

Ma mère répondit, de sa voix placide, avec son regard bienveillant :

— Oh ! chère madame, elle est encore bien jolie !…

Les rides du vieux visage parcheminé se froncèrent davantage, les lèvres remuèrent avec dépit, la voix aigre glapit :

— Moi, je la trouve extrêmement vieillie !…

Cette affirmation me stupéfia, car l’idée ne m’était jamais venue que ma marraine pût vieillir. Lorsque je la revis, je cherchai sur son visage ces traces des années qui réjouissaient si fort Mme  d’Ormoise : je n’en sus découvrir aucune. Sûrement, la vieille dame se trompait, entraînée par sa méchanceté : ma chère marraine devait posséder, comme les déesses d’Homère, que je commençais à lire avec M. Lanternier, l’éternelle jeunesse. Pourtant, elle me parut très pâle, et languissante dans ses mouvements, comme Anthony.

Ils allèrent passer un été au bord de la mer, en Normandie. La mer, pour nous autres gens de montagne, c’est l’inconnu de paysages que rien ne nous révèle ; c’est la rivale aussi : car ses infinis ont