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— Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Ah ! ma chère, cela devait arriver. Annette est perdue.

— Nous qui avons tant fait pour la maintenir dans le bon chemin !…

— J’ai toujours dit que cette enfant…

Tu entends se croiser les jugements sympathiques. Mais le scandale devint énorme quand on apprit que cette malheureuse robe, avec le ruban qui servait de ceinture, et les fleurs du chapeau, venaient de Mme  des Pleiges. Mon Dieu, oui ; ma chère marraine avait eu l’idée néfaste de faire à cette jolie fille une aumône de luxe, pour égayer une fois, dans la saison où les prés fleurissent, ses yeux de velours et son cœur de seize ans. Tel était son nouveau crime. Je n’ai pas besoin de te dire les anathèmes qu’il lui valut. Sache seulement que les protectrices d’Annette intervinrent, l’accablèrent de reproches, la menacèrent de lui retirer à jamais leur précieuse bienveillance. La robe fut donc abandonnée ; Annette ne la porta plus jamais, reprit son gris uniforme et ne retourna plus au château. Et Mme  d’Ormoise prononça :

— Nous n’admettons pas qu’elle pervertisse les personnes que nous aimons !

Comme tu le vois par cette historiette, il y avait un irréductible malentendu entre ma tendre marraine et notre ville. Je le