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prêtait quelque vraisemblance aux propos les plus aventurés.

Peu de temps après leur retour, un incident extraordinaire mit la ville en émoi : à la suite de faits que je n’ai jamais connus, — peut-être simplement dans un accès d’exaspération trop longtemps contenue, — le colonel Marian administra une formidable raclée, en pleine rue, à l’un des fils Lesdiguettes. J’assistai à la fin de la scène. J’aperçus, au milieu d’un cercle de boutiquiers accourus au bruit en abandonnant leurs établis, la victime dont de bonnes femmes bassinaient la figure ensanglantée, tandis qu’à l’écart le vieux vétéran, fumant de son exploit, les bras croisés sur sa poitrine, promenait sur les assistants des regards vainqueurs chargés de menaces. On l’observait à la dérobée, mais personne n’osa s’approcher de lui : ils comprenaient que ses poings vigoureux ne demandaient qu’à recommencer l’exercice et qu’avec allégresse il sonnerait sur leur dos la charge interrompue, heureux de soulager sa longue humiliation par un acte de vigueur.

Tu connais le dicton : « Poignez vilain, il vous oindra. » Un moment, on put croire qu’il allait se trouver juste une fois de plus. L’acte énergique du colonel produisit d’abord un revirement salutaire. Ceux qui s’étaient le plus avancés devenaient prudents, se frottaient les côtes par anti-