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fides venaient d’elles, d’autant plus dangereux qu’elle ne précisait jamais ; ses paroles pouvaient toujours s’interpréter de trois ou quatre manières différentes : on leur donnait, cela va de soi, l’interprétation la plus fâcheuse ; Mlle  Éléonore la laissait circuler en liberté, souffrait qu’on la lui rapportât, l’appuyait de ses soupirs et de ses roulements d’yeux, puis, un beau jour, la démentait. Mais le mal n’en était pas moins fait : la calomnie laisse toujours quelques traces après soi. Ce fut ainsi que la rumeur courut avec persistance que mon fâcheux cousin Jacques Nattier avait rejoint la comtesse, et qu’ils partaient ensemble pour l’Algérie. Au bout de quelque temps, on sut que Jacques n’avait pas bougé de Mâcon, où ses fonctions le retenaient. Et l’on boucla l’affaire en ces termes :

— D’ailleurs, Mlle  Éléonore affirme qu’il n’y a plus rien entre eux.

D’autres racontars circulèrent : une personne de Bourg les avait rencontrés à Venise, en gondole, avec un prince italien.

— Qu’en dit Mlle  Éléonore ?

Mlle  Éléonore ne sait rien.

— Sa nièce ne lui écrit donc jamais ?

— Oh ! si fait, seulement elle ne lui raconte pas ses petites affaires.

— Heureusement que Mlle  Éléonore est fine : elle sait lire entre les lignes…