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VI


Comme bien on pense, l’existence qu’on menait au château ne convenait point à la chétive santé d’Anthony. Entre son grand-père rageur et morose, et sa mère attristée et craintive, le pauvre enfant croissait comme une plante qui manque de lumière. Son unique distraction en dehors de l’étude, c’était de jouer avec moi, deux fois par semaine, après les leçons d’anglais ; et nos jeux manquaient d’entrain. Je tâchais de lui apprendre à s’amuser, car il ne savait pas. Je n’y réussissais guère. Dès que nous avions couru quelques minutes, il était hors d’haleine ou couvert de sueur. Il possédait une petite charrette qui faisait ma joie. Je m’y attelais, je le traînais dans le parc ; lui, c’est à peine s’il faisait claquer son fouet et criait de temps en temps :

— Hue ! hue donc !

Mais quand il voulait s’atteler à son tour, cela ne marchait plus du tout. Il allait un instant au trot, puis se mettait