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et ma mère, qui perdit la tête, balbutia je ne sais quelles vaines paroles, et demeura frappée d’épouvante, comme si elle eût commis un affreux crime d’imprudence. Elle en tremblait encore le soir, en racontant l’histoire à mon père, qui se fâcha :

Mme des Pleiges, déclara-t-il, vaut mille fois mieux que toutes ces pécores. Je n’entends point qu’on la leur sacrifie. Tu ne t’occuperas plus de cette vente et tu ne mettras pas les pieds chez Mme d’Ormoise. Je te le défends !

Jamais ma mère n’aurait consenti à un tel éclat. Elle laissa passer l’orage et, dès le lendemain, s’en fut sans rien dire chez sa terrible visiteuse. Elle en revint bouleversée :

— Après tout, arguait-elle, ces affaires ne sont pas les nôtres, et nous ne pouvons pourtant pas nous fâcher avec toute la ville.

Mais mon père haussait les épaules et répliquait :

Mme des Pleiges a raison contre eux tous. J’entends qu’elle vienne chez nous quand il lui plaît !

Il n’en est pas moins vrai qu’à partir de ce jour, les visites de ma marraine furent plus rares et plus courtes. Plus tard, j’ai su que l’indépendance de mon brave père en cette occurrence lui avait coûté plusieurs de ses meilleurs clients. Il est vrai qu’ils