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vers bois, j’aime à le voir raser la mousse ou se dissiper dans l’air…

Je ne pus m’empêcher d’interrompre Philippe et de lui dire :

— Tu es un poète.

Il me répondit :

— Tu sais bien que non.

Et il continua :

De temps en temps aussi, je voyais Mme  des Pleiges chez nous, seule ou accompagnée d’Anthony.

Ma mère avait toujours un peu peur de la voir arriver, mais n’aurait point poussé la faiblesse jusqu’à lui marquer aucun déplaisir. Au contraire, elle la recevait avec beaucoup d’égards et de sympathie, étant bonne. Mais le malheur voulut qu’un jour la comtesse rencontrât dans notre maison Mme  d’Ormoise, venue pour traiter de l’organisation d’une vente de charité. Ce fut une scène pénible, dont le détail défraya pendant longtemps les conversations de mes parents. En voyant entrer la proscrite, Mme  d’Ormoise se leva aussitôt, les lèvres pincées, le front ridé, sa petite bouche mince toute pleine de venin :

— Nous reprendrons cet entretien une autre fois, madame, dit-elle à ma mère ; et chez moi : l’on y est en sûreté.

Là-dessus, elle sortit, irritée et majestueuse, laissant ensemble ma pauvre marraine, presque défaillante sous l’injure,