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sus et son cache-nez de laine, il regarde, peut-être avec envie, ces enfants qui pataugent gaiement dans la neige et se réchauffent en la maniant. Mais voici que l’un de nous le prend pour point de mire : une balle vient s’aplatir sur son chapeau. Des rires éclatent. Une voix crie :

— Tiens ! le voilà ! c’est lui ! c’est lui !

D’autres balles suivent, plus serrées, avec d’autres cris :

— Qu’est-ce que tu fais là ? Pourquoi n’es-tu pas au château ?

— Qu’il y reste !…

— Va-t’en ! Va-t’en…

Le pauvre enfant, ne pouvant fuir, se tourne contre un mur et plie le dos sous l’avalanche. Cela se passe si vite, que je regarde sans bien comprendre, sans prendre tout de suite un parti. Mais voilà que Frédéric Lambert s’approche de lui ; je vois son gros poing se lever sur le pauvre dos passif et résigné, et retomber avec un :

— Tiens ! voilà pour toi !…

J’entends le bruit sourd du coup. Le poing se relève, la voix reprend :

— Voilà pour ta mère !…

Alors, pris d’une colère folle, je me jette sur le mauvais garçon, en criant :

— Lâche ! lâche ! lâche !…

Mon fidèle ami, Étienne Anton, vient se placer à côté de moi, et m’appuie :

— Oui, Nattier a raison, vous êtes des