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Il faut le reconnaître, les détails sont nombreux : mais y en a-t-il trop pour expliquer cette chute épouvantable, cet abaissement graduel de deux êtres que l’on nous a d’abord fait aimer ? Y en a-t-il trop pour faire saigner le cœur ? Pour inspirer une immense pitié du misérable qui tombe et de la femme qu’il entraîne ? — Le dégoût même du livre que témoignent des esprits très délicats, habitués à des peintures à l’eau de rose de péchés mignons, à des récits d’infamies comme il faut, prouve que l’auteur a atteint son but. Il a ému, et si profondément et en touchant une note si vraie, qu’on ne peut pas lui pardonner. Ainsi, les Athéniens d’autrefois condamnaient à une amende un poète qui les avait fait trop pleurer. Ainsi, dans une autre époque, les marquis de Louis XIV voulaient rosser Molière, parce qu’ils se reconnaissaient dans ses satires.

Quand un livre excite des haines, on peut être sûr qu’il a touché une plaie et fait frémir la vérité. Les peintres de scandale par amour du scandale trouvent des amateurs qui les achètent,