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LES ŒVVRES

O de mon bien futur le frelle fondement !
O mes deſirs ſemez en la deſerte Arene !
O que i’esprouue bien mon eſperance vaine !
O combien mon trauail reçoit d’acroiſement !
O douloureux regrets ! ô triste penſement
Qui auez mes deux yeux conuertis en fontaine !
O trop ſoudain depart ! ô cause de la peine
Qui me fait lamenter inconſolablement !
O perte ſans retour du fruit de mon attente !
O Eſpoux tant aimé, qui me rendois contente !
Que ta perte me donne un furieux remort !
Las ! puis que ie ne puis demeurer veufue & viue,
I’impetre du grand Dieu que bien toſt ie te ſuiue
Finiſſant mes ennuis par vne douce Mort.

O miſerable estat où ie me voy poſee !
Dont i’ay touſiours au cueur vn amer ſonuenir :
Qui me fait le cerueau fontaine deuenir,
Dont l’humeur par les yeux n’eſt iamais eſpuiſee.
Si le ſens quelque fois ma peine repoſee,
C’eſt vn preſage ſeur du malheur aduenir :
Et le menteur espoir, n’a pu entretenir,
La promeſſe qui m’a longuement abuſee.
Ainſi donc le printemps & l’eſté de mon aage,
Dont l’Automne cruel deſpouille le feuillage,
Sans fruit & ſans plaiſir ſe paſſe vainement :
Les triſteſſes, qui ſont dedans mon ame encloſes
Ayant formé de moy mille Metamorphoſes,
N’ont pourtant transformé mon extreme tourment.