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LES ŒVVRES

Le plus melancolic quelquesfois ſe recree,
Fut le graue cenſeur plein de ſeuerité,
Le Theologien rempli de ſaincteté
Aux meditations quelque plaiſir ſe cree.
Mais quand on eſt bleſſé en la teſte ſacree,
Le cours de noſtre bien eſt du tout arreſté,
Ce mal a tout ſoudain l’indiuidu gaſté,
Nous metamorphoſant trop pis qu’vn autre Aſcree.
Le triangle admiré qui tient l’ame atachee
Aux organes du corps, la raiſon empeſchee,
La veüe, le parler, & le plus doux ouir,
Ont au cerueau bleſſé leur puiſſance finie,
Et l’eſprit qui viuoit de la douce armonie,
Entre tant de diſcors ne ſe peut eſiouir.

Ayant ſouffert treze ans d’vne iniuſte puiſſance
L’ennuy, & le travail, la peine & la douleur,
Ont pris ſi forte place au centre de mon cœur
Que ie n’y trouue lieu pour la ſeule eſperance.
On me dit que le temps guerit la violence,
Et qu’vn mal couſtumier n’a plus tant de vigueur,
Cela eſt vain en moy, ie ſens meſme rigueur
Bien qu’ores ie ne voy que douceur & clemence.
Pource que ſi long temps mon mal-heur a eu place,
En le voulant chaſſer il laiſſe telle traſſe
Qu’on ne peut releuer l’edifice deſtruit.
La triſte paſſion dont i’ay l’ame offenſee
M’a tant bleſſé le corps l’eſprit, & la penſee,
Que ce bien tard venu n’aporte point de fruict.