Deuot, humilié : le cueur qui vous adore
Vous demande merci triſtement langoureux.
N’esprouuant qu’vn refus, le pauure malheureux
S’en retourne vers moy, qui le refuſe encore :
Las ou iray-ie done, dit-il en ſoupirant ?
Tu me chaſſe, ell’ me fuit lors ſe deſeſperant,
Priué de la faueur où ſes penſers aſpirent,
Il ſe iette en vn feu, & cherche de guerir
Par ſa mort tant de morts, mais il ne peut mourir :
Car la mort ne vient point à ceux qui la deſirent.
Allons mon pauure cueur bien loin de la Cité
Dedans quelque deſert, fuyons la compaignie
De nos plus chers amis, cherchons la Tirannie
Des Ours, Tygres, Lyons pleins d’inhumanité :
L’Olme, le Cheſne, l’Able en ce lieu eſcarté
Pourront ſeuls teſmoigner ta miſere infinie :
Le bel Aſtre du ciel donnant lumiere & vie,
N’y lance point les rais de fa viue clarté.
Laiſſons le grand Palais & le braue Theatre
A ceux qui n’ont point veu leur eſperance abbatre :
Aux enfans bien heureux, aux peres fortunez.
Vallon, Grote, Foreſt, Rocher, Antre efroyable
S’accorderont du tout à l’eſtat miſerable,
De nous, qui de l’eſpoir ſommes abandonnez.
Tournez vos yeux ſur moy, ie vous ſuply madame,
Regardez par pitié voſtre humble ſeruiteur,
De vos regards aymez l’agreable ſplandeur
Pouſſe hors de mon ſein la fleche qui m’entame.
Apres que de vos yeux la violente flame
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A CHARITE