Elle change couleur cent fois en vn moment.
Ha ! mon Dieu, que ie ſens vn’ aspre maladie
Qui par les yeux aymez de ce jeune Tobie
Se coulant dans les miens, m’empoiſonne le cueur.
De ſes gentils propos l’agreable douceur
A desrobé du tout ma liberté premiere,
Et mis en ſon pouvoir mon ame priſonniere.
Mais ie ne veus pourtant luy demander ſecours,
Craignant de voir finir ſa vie & mes amours.
Las i’ay eu ſept maris dont la forte allegreſſe
N’a peu forcer la mort, elle a eſté meſtraiſſe
De leur ieune printemps, & vn eſprit maudit
Les a l’vn apres l’autre eſtoufez dans mon lit.
O douleur, o regret, las que ma triſte vie
Eſt par divers malheurs inceſſamment ſuiuie :
Ie ne puis maintenant ma douleur ſecourir,
Priray-ie mon couſin qu’il ſ’en vienne mourir ?
Dois-ie bruler touſiours ſans deſcouurir ma flame ?
Dois-ie faire mourir celuy qui tient mon ame ?
Faut-il donc tant ſoufrir & ne le dire pas ?
Faut-il mener auſſi mon amy au treſpas ?
Ah mon Dieu, meurs pluſtoſt Sarra, que d’eſtre cauſe
De la mort de celuy ou ta vie eſt encloſe.