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LES OEUVRES

Trainant autour de ſoy ſes furieuſes rages,
Elle ſen va troubler les chaſtes mariages,
Car le repos d’autruy luy eſt propre malheur.
Aux hommes elle miſt en soupçon la valeur,
De la belle Agnodice & ſes graces gentilles,
Diſant que ſa beauté de leurs femmes & filles
Avoit plus de faveur que ne doiuent penſer
Celles qui ne voudroient leurs honneurs s’offencer.
Eux eprix de fureur ſaiſirent Agnodice,
Pour en faire à l’enuie un piteux ſacrifice.
Helas ! ſans la trouver coulpable d’aucun tort,
Ils l’ont iniuſtement condemnee à la mort :
La pauvrete voyant le mal-heur qui s’appreſte
Deſcouvrit promptement l’or de ſa blonde teſte
Et monſtrant ſon ſein beau, aggreable ſejour
Des Muſes, des vertus, des graces, de l’amour,
Elle baiſſa les yeux pleins d’honneur & de honte
Vne vierge rougeur en la face luy monte,
Diſant que le deſir qui la faict deſguiſer,
N’eſt point pour les tromper, mais pour authoriſer
Les lettres, qu’elle appriſt voulant ſeruir leurs Dames :
Que de la ſoupconner de crimes tant infames,
C’eſt offencer nature & ſes divines loix.
Depuis qu’elle eut parlé oncq une ſeulle voix
Ne ſ’eſleva contre elle, ains toute l’aſſiſtance
Monſtroit d’eſmerveiller ceſte rare excellence,
Ils eſtoient tous ravis ſans parler, ny mouvoir,
Ententifs ſeulement à l’ouyr & la voir,
Comme l’on voit parfois apres vn long orage,