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DE M. DES ROCHES.

Qui ſans vous, ſaines eaux, nous ſeroient toſt rauies.
O belles, voz vertus decorent les pays :
Mais pour Dieu dittes moy de ce lac de Says,
Lequel rendoit de nuict (ſur vous repreſentee)
Toutes les paſſions d’vne ame tourmentee.
Nymphes dictes le moy ces merueilleux ſecrets :
Pour m’eſtre reuelez n’en ſeront moins ſacrez,
Ie ne les diray point, o miracle du monde !
L’eſprit de noz eſprits nage dedans voſtre onde
Qui nous reiette en l’œil par voz perfections
Le ſimulachre aymé de noz affections.
Neptune veut montrer au Trident admirable
Que vous eſtes liquide & feconde & beuuable,
Auſſi tout va puiſer dedans voſtre element.
Et les celeſtes feux en prenent aliment
Ceux qui vont adorer Jupiter en Dodone
Treuuent du feu chez luy que voſtre onde leur donne,
Car elle a le pouvoir d’allumer vn flambeau
Et d’eſteindre le feu qui n’eſt pris de ſon eau.
Vous auez vn ruiſſeau tout plein de prophetie
À la cime du mont Colophon de Lydie
Qui faicts par ſa vertu predire l’aduenir.
Vous en avez auſſi perdant le ſouvenir,
O bien-heureuſes eaux, qui auez la puiſſance
D’effacer de noz maux la triſte ſouuenance,
He qu’à bonne raiſon ce Prince Athenien
Eſtimoit voſtre oubly la ſource de tout bien !
Ie voudroy qu’il vous pleuſt couler en noz riuieres
Pour nous faire oublier noz peines coutumieres.