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DE M. DES ROCHES.

Si ie connois en vous une presſomption,
Grande peſte des cueurs que l’on met en ſeruage,
Si ie vous voy changer de mœurs & de langage,
Vous me voirrez bien toſt manquer d’affection.
Si vous m’eſtes conſtant, ie vous ſeray conſtante,
Si vous voulez changer, & bien i’en ſuis contente,
Cherchez vne autre amie & moy vn autre amy :
Cherchez vne maiſtreſſe honneſte, aymable, & belle,
Et moy vn ſeruiteur ſage, accort, & fidelle :
Car ie ne veux iamais que l’on m’ayme à demy.

Sincero mon doux feu, ſi i’ay peu attirer
De voz perfections, vne amitié non feinte,
Et ſi i’ay doucement eſcouté voſtre pleinte,
Craignant que voſtre mal peut croiſtre ou empirer.
Dittes moy ſ’il vous plaiſt, qui vous peut retirer
De mon affection inuiolable & ſaincte ?
Auez vous point ſenti quelque nouuelle atteinte,
Qui pour vn autre amour vous face ſouſpirer ?
Et que peut-ce eſtre donc qui de moy vous eſloigne ?
Mais ne ſeroit-ce point que le Roy de Pouloigne,
Vous eut faict oublier voſtre amoureuse foy ?
Ha mon Dieu que ie crain que cet excellent Prince,
Pour honorer de vous ſa nouuelle Province,
Vous derobe à la France, à l’amour, & à moy.

S’il eſt vray, Sincero, que la perſeuerance
Demeure dedans vous, ſi vous avez touſiours,
Dans la bouche mon nom, dans l’eſprit mes amours,