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LES ŒVVRES



Las ie ſuis mort en moy, mais c’eſt pour vivre en vous,
Charite : mon honneur, ma vie & ma lumiere
Voſtre rare beauté des beautez la premiere
Tient mon eſprit rauy d’vn rauiſſement doux.
De voz cheueux dorez les agreables nœuds
Et de voz yeux diuins la rigueur humble-fiere,
Serrent tant doucement mon ame priſonniere
Que moymeſme ie ſuis de moimeſme ialoux.
Mon corps eſt euvieux de l’honneur de mon ame
Qui brule dedans vous d’vne tant ſaincte flame,
Que d’vn homme mortel ie deuiens vn grand Dieu.
O bien-heureuſe mort, cauſe de double vie !
Heureux amour qui fais que mon ame rauie,
Heureuſement ſe meurt pour viure en ſi beau lieu.

Honneur de mes penſers, honneur de mes propos,
Honneur de mes eſcrits, Charite ma chere ame,
Charite mon ſoleil, ma ſinguliere Dame,
Royne de mon plaiſir, douceur de mon repos.
Charite qui tenez mon cueur comme vn depos,
Mon cueur enuironné d’une ſi douce flame,
Et qu’un amoureux traict ſi doucement entame,
Que plus il eſt bleſſé plus ie me ſen diſpos.
Charite que ie ſers, que i’honore, & que i’ayme,
Charite que je tiens plus chere que moymeſme,
Helas ie ſens pour vous tant de penſers diuers.
Helas i’ay ſi grand pœur, chaſte & belle Charite,
Que vous me connoiſant de trop peu de merite
Deſdaignez mes penſers, mes propos, & mes vers.