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LES ŒVVRES

Triſte penſer, qui me rends taciturne,
Que dans mon ſein tu gliſſas promptement !
Quand un procez couſu à clous d’aimant
Me feit changer Apolon pour Saturne.
Depuis ce iour, le ciel & la fortune,
L’air & la terre & tout autre Element
Ont coniuré l’incroyable tourment,
Dont toy mon cueur, ſens la peine commune.
Mon dieu faut-il, que ta belle ieuneſſe,
Et ta douceur, du malheur qui me preſſe
Indignement ſente le dur effect ?
Ainſi Cadmus feit au ſerpent l’outrage,
Et vne voix menace le lignage.
Pour le peché que l’Ayeul auoit faict.

Si quelque fois ta gentille ieuneſſe,
Par ſes diſcours naiſuement bien faits,
A ſoulagé le miſerable faix
Qui abortif auança ma vieilleſſe.
Le rhume froid, qui maintenant te bleſſe
M’en fait payer l’uſure à ſi grand fraicts,
Que ie ne ſçay (pauure moy) que ie fais :
Tant ie reſens ta peine & ma triſteſſe !
Dea mon doux ſoin reprends vn peu ta force,
Ayes pitié de ceſte frelle eſcorçe.
Ie te ſuply par ta chaſte beauté,
Par ta douceur, par l’amour maternelle,
Par le doux ſuc tiré de la mamelle,
Et par les flancs qui neuf mois, t’ont porté.