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de son attachement pour une femme indigne de lui. Ce fut avec ces deux jeunes gens que je passai quelques années au collège. Ah ! c’est là où nous nous sommes divertis ; c’est là où, polissonnant sans cesse, notre temps se partageait en deux, le travail et l’espièglerie.

Lecteur, comme nous tu as été à l’école, comme nous ce fut là que s’écoulèrent tes plus beaux jours : laisse-moi te raconter quelques anecdotes enfantines qui te rappelleront les époques de ton adolescence. As-tu eu, comme moi, un vieux professeur, âgé de soixante ans, sale comme un jacobin, babillard comme un orateur des Cinq-Cents, crédule comme un converti, toujours occupé du soin de nous trouver en faute, nous grondant pour la moindre bagatelle, en un mot la terreur générale, mais non la mienne ?

Cet aimable précepteur était gourmand comme un gastronome ; je savais que sa colère s’apaisait devant des friandises ; et un jour qu’il m’avait menacé du dernier châtiment pour le lendemain, si mon devoir n’était point sans faute, je résolus de le punir. Le fils d’un pâtissier était de mes amis (au collège, et pendant la révolution, disparaît l’orgueil du sang) ; je l’initiai dans mes projets, et avec un vrai plaisir il se prêta à tout ce que j’exigeai de lui. Ce fatal lendemain arrive ; vers les huit heures du matin un garçon apporte, sur une feuille de