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qu’il n’a pas secourue ? Quel est l’ennemi qu’il a pu se faire ? Partout aimé, respecté, doit-il, comme un coupable, paraître en accusé ? Doit-il… ?

Le peuple, porté en faveur du comte, gardait un profond silence, mais sa contenance peignait son intérêt. Les juges, tremblant que leur proie ne leur échappât, ordonnent aux huissiers d’interrompre la comtesse ; leur ordre est exécuté, et le président, sans plus attendre, sans s’inquiéter de la présence de madame d’Oransai, prononça la peine de mort contre son époux. Le désespoir est universel, des murmures on passa à la menace, de la menace à la révolte. Seul, le comte conserve son sang-froid, et prodigue ses soins à la mourante Élise : on l’arrache de ses bras, il est ramené dans sa prison, tandis que les soldats contiennent la populace.

L’exécution de d’Oransai ne fut retardée que jusqu’au lendemain ; malgré les ordres les plus rigoureux, Élise força toutes les barrières : pâle, échevelée, son désespoir, ses charmes commandaient le respect, elle se jette dans les bras de son époux. Oh ! quelle fut douloureuse cette entrevue déchirante ! Quelle plume assez éloquente pourrait la décrire ? Expirante sous le poids de ses malheurs, Élise était anéantie ; mais le comte, plus ferme, cherche même à la consoler dans ce fatal moment.

— Élise, lui disait-il, cesse tes pleurs, vois d’un