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parcourir l’Europe, et les conspirateurs se flattaient d’obtenir, par leurs succès, une immortelle renommée. Ils ne pensaient point que si la postérité conserve également les noms des Cromwell et des Titus, elle adore ceux-ci lorsque les autres sont les objets de son exécration.

Le faible Louis XVI, entraîné malgré lui par la force du torrent, perdit la tête, devint la première victime de la rébellion, qu’un souverain énergique aurait su comprimer. L’assemblée des notables amena la convocation des états-généraux : ceux-ci, abusant de la confiance de leurs commettants, détruisirent une antique noblesse que tant de gloire illustrait, et prétendirent s’apercevoir, au bout de quatorze cents ans, que la France était sans constitution. On sait quel fut le succès de la leur ; on vit l’Anglais, transporté, relever sa tête flétrie, en apprenant que la tête d’un roi de France était tombée sous la hache de ses propres sujets. Partout, à la venue de cette affreuse nouvelle, la consternation fut générale, l’émigration redoubla.

— Partez, disait ma mère à son époux, fuyez des monstres qui préparent votre mort.

— Quoi ! répondait le comte, vous voulez que je fuie ; et pour quelle cause ? Suis-je coupable ? mon innocence n’est-elle point reconnue ?

— Cher Alexandre, quand vous avez vu périr votre roi, pouvez-vous croire que vous serez épargné ?