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alors, le croirait-on encore ? je devins volage !… À huit ans ! ô nature ! oui, je fus inconstant. Et qui m’inspira ce changement ? ce fut toi, Joséphine : toi, fière de ta naissance et de ta fortune, plus âgée que moi d’une année ; tu ne pouvais me pardonner la préférence que j’accordais à Paulette : cette préférence était un affront que ton orgueil voulut punir. Je te vois encore revêtue de ta blanche robe, couvrant ta jolie petite figure d’un grand chapeau de paille, ceignant ta taille élancée d’un ruban bleu de ciel, couleur de tes beaux yeux ; m’agaçant avec une sorte d’adresse, sachant m’inspirer de la vanité, m’assurant qu’un garçon de mon âge avait de la mauvaise grâce à suivre perpétuellement une petite fille telle que Paulette ; que de grandes demoiselles ne demanderaient pas mieux que de recevoir mes soins, et je me vois, à ces discours capiteux, me rengorgeant, serrant une main qui m’était abandonnée, et recueillant un baiser qui me rendit parjure.

Pauvre Paulette, je t’abandonnai, tu pleuras ; tu fus dire à ma mère, que tu appelais ta petite maman, que Philippe était un méchant, qu’il te préférait Joséphine, et qu’assurément Joséphine n’aimait point Philippe autant que l’aimait Paulette ; et je vois maman employer ses soins pour terminer cette grande affaire, et moi, promettant tout, tromper à la fois mes deux maîtresses pour une troisième qui, depuis