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ses filets. Eh bien, ami lecteur, que t’en semble de tous ces divers portraits ? Voilà plusieurs hommes, me diras-tu, dont les caractères sont bien disparates. Quel sera ton étonnement, lorsque je t’apprendrai que ces divers personnages n’en font qu’un, et que cet homme extraordinaire est Philippe d’Oransai ? Auteur de ces mémoires, ma franchise, en me peignant, me gagnera peut-être ton estime ; tu me verras toujours le même, toujours agissant d’après les impressions de ma tête, quand je commettrai des fautes ; et d’après mon cœur, quand il s’agira de les réparer. Peut-être m’accuseras-tu de vanité ? Ah ! de grâce, ne me juge point sans me connaître, je ne fais ici que te redire ce qu’on a écrit vingt fois sur mon sujet ; et si dans tout ceci j’ai quelque faute, c’est celle de tenir la plume en parlant de moi-même. Tu penses qu’avec un caractère pareil à celui que je viens de te décrire, ma vie fut bien agitée : tu le sauras parfaitement si tu veux aller jusqu’à la fin de l’ouvrage que je soumets à ta critique.

Nourri jusqu’à quatre mois par ma mère, je fus confié alors à une nourrice, jeune et jolie, qui me prodigua les plus tendres soins dont j’ai toujours conservé une vive reconnaissance. À quinze mois je fus sevré, culotté, et traité presque comme un grand garçon : on m’assure aujourd’hui que j’étais un prodige à cette époque ; mais comme les prodiges de cet âge