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point dans sa désobéissance, et je renonce à lui dès le moment que vous m’aurez assuré combien cet hymen vous déplairait.

— Il ne me déplaît point, mais d’autres arrangements…

— Oui, monsieur, je ne serai point un obstacle à vos volontés. Alexandre renoncera à moi, je l’exigerai de son amour ; je le demanderai à cette amitié pure qu’il m’a vouée ; mais avant ce moment souffrez, monsieur, que je vous interroge. Vous n’avez jamais aimé ?

— Pouvez-vous le croire, mademoiselle ? Pensez-vous que mon cœur n’a pas été sensible ?

— Si vous l’avez été, pourquoi cherchez-vous à désunir deux êtres qui ne vivent que par leur tendresse ? Si vous avez connu ce sublime sentiment, vous ne devez point vous montrer injuste et sévère. J’aime Alexandre ; oui, monsieur, je l’aime, et je ne rougis point en en faisant l’aveu. Il a pour moi un amour réciproque : nos âges, nos goûts, nos fortunes, le rang de nos pères, tout se rapproche, et vous voulez nous désunir ! Une vaine ambition pourra-t-elle l’emporter sur la pensée qu’on va faire deux heureux en resserrant les nœuds qui les lient ? Oh ! monsieur le comte ! vous ne pouvez être aussi cruel, votre âme est trop sensible pour résister à mes prières : oui, je ne rougis point de vous prier ; votre volonté va décider de mon sort. Si vous me repoussez, Alexandre ne sera point mon époux, j’en