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retire dans la chambre qu’on lui a préparée. La nuit que passa d’Oransai fut affreuse ; le lendemain il ne put parler à son père ; et vers les onze heures du matin, il l’aperçut qui se dirigeait vers la demeure de M. de Clagni. En ce moment ses forces défaillirent, et les facultés de son âme furent un instant suspendues. Lorsqu’on annonça M. le comte d’Oransai, Élise et ses sœurs pâlirent toutes au même instant ; leur père n’y était point, elles furent contraintes de recevoir l’étranger. M. d’Oransai se présenta avec beaucoup de grâce ; il causa très galamment avec ces jeunes personnes, et son œil scrutateur n’eut point de peine à reconnaître Élise à son trouble, comme à l’agitation de son sein. Prenant tout à coup sa résolution : — Mademoiselle, dit le comte à Élise, voudriez-vous m’accorder un entretien particulier ? — Oui, monsieur, répliqua Élise, en ouvrant la salle voisine vers laquelle elle conduisit M. d’Oransai ; la porte demeurant ouverte, mesdemoiselles de Clagni pouvaient tout voir, mais la grandeur de la pièce les empêchait d’entendre.

— Mademoiselle, dit M. d’Oransai, après une minute de silence qu’il avait employée à contempler la belle Élise, vous doutez-vous du sujet qui m’amène ?

— Je sais, monsieur, que voulant user des droits d’un père, vous vous opposez aux projets de votre fils. Je ne l’encouragerai