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M. DE CLAGNI.

Que venez-vous donc faire chez moi après une telle offense ? Quel dessein vous ramène dans une maison où vous n’auriez jamais dû paraître ?

ALEXANDRE.

Eh ! le sais-je moi-même, monsieur ? réfléchit-on quand on aime ? nos démarches sont-elles calculées ? l’impétuosité de la passion qui nous anime nous permet-elle de penser et d’agir selon les froids conseils de la raison ? J’adore votre fille, je brûle d’être son époux, elle m’est refusée, je ne suis plus à moi, ma tête s’égare. Ah ! monsieur, loin de me condamner, plaignez-moi plutôt ; ne pensez point que mon père eût refusé ma prière si déjà il n’eût point fait un choix. Mais, quel bonheur ! j’ai conservé la lettre qu’il m’écrivait à ce sujet : lisez-la, de grâce ; elle m’excuse, elle doit aussi l’excuser à vos yeux.

M. DE CLAGNI, après avoir parcouru la lettre
que d’abord il paraissait vouloir repousser.

M. d’Oransai, vous sacrifiez à ma fille de belles espérances.

ALEXANDRE.

Le trône de l’univers serait dédaigné par moi si je ne pouvais point y placer votre