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ALEXANDRE.

Cruelle amie, combien vous abusez de l’empire que vous avez sur moi !

À ces mots ils se quittèrent, non sans s’être mille fois répété les assurances d’un amour qui saurait tout braver, et sans s’être donné les mots les plus doux et les plus tendres.

La vitesse de la poste ne servait point l’impatience d’Alexandre ; il doublait, triplait les récompenses des guides ; aussi il était servi avec une telle rapidité, que ce fut dans un temps moins considérable que le courrier met à parcourir cet espace, qu’il arriva du lieu dont il était parti à Nantes où il se rendait.

En arrivant, malgré le courage que lui donnait son amour, il ne put s’empêcher de ressentir une émotion secrète. Sa mère fut la première qui l’aperçut : ivre de joie elle se jette dans ses bras, et leur cœur tressaillit du plaisir le plus pur ; ses frères, ses sœurs l’environnèrent, leurs caresses dissipèrent son trouble ; néanmoins il demanda s’il n’aurait pas le bonheur de voir son père. Alors la comtesse, laissant échapper quelques marques de tristesse, lui dit que le comte était dans son cabinet, et qu’il avait fait dire qu’Alexandre fût introduit chez lui sans témoin. D’Oransai, sans plus attendre, témoigna le désir de se rendre auprès de son père ; il entra. À son aspect le comte, par un premier mouvement, s’avança vers lui