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Alexandre ne sut point en agir ainsi : amoureux véritablement, il dévorait ses larmes ; et ce fut dans le sein de son ami d’Hervillé qu’il déposa sa tristesse. La rapidité de leur marche les mit bientôt en présence de l’ennemi. À chaque combat la victoire favorisait l’armée française, et à chaque victoire un grade nouveau devenait la récompense d’une action d’éclat d’Alexandre d’Oransai. Pendant son absence, avec quelle avidité Élise lisait les gazettes qui l’entretenaient des exploits de son amant ! Oh ! comme elle était fière de son choix ! Avec quel orgueil elle se parlait de son amour ! La paix vint ajouter à son bonheur.

Paré du grade de lieutenant-colonel, ayant obtenu un congé, Alexandre se hâta de se rendre auprès de son amie : il la trouva toujours plus tendre, plus aimante ; et lui n’eut point, devant elle, à rougir d’une seule infidélité. Délicieux moment du retour, quel est celui qui pourrait vous bien décrire ! Comment peindre ces mots entrecoupés, ces rapides caresses, ces questions, ces réponses qu’on n’entend point, ces récits si douloureux et puis les élans d’une joie que rien n’empoisonne ! que peut-on désirer de plus ? on était éloigné et l’on s’est revu. Ah ! qu’ils les ressentaient bien ces charmes du retour, les deux amants dont je peins les transports. Quand pourrons-nous, disait Élise, ne plus nous quitter ?

— Chère amie, nous le pourrons bientôt ; je