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nouveaux appas à son portrait ; mais supérieure encore à tout, rien n’égalait la grandeur d’âme d’Élise ; ses sentiments purs et sublimes, sa volonté ferme pour le bien, son attachement à sa famille, tout, en un mot, complétait une réunion de qualités qu’on ne peut guère espérer de trouver ensemble. Élise, dans le monde, était comme dans l’intérieur de son ménage, franche et communicative ; rien ne l’éblouissait, rien ne savait lui en imposer ; bienfaisante sans ostentation, attachée au culte de ses pères, menant une conduite irréprochable, elle aimait pourtant à plaire, et celui qui soupirait pour elle, s’il n’était pas écouté, était au moins souffert.

Le caractère d’Alexandre avait trop de rapport avec le sien pour ne pas sympathiser ensemble ; le même trait les perça, et ils comprirent que c’était de l’un et de l’autre qu’ils devaient attendre le bonheur de leur vie. Une semaine après l’événement que je viens de rapporter, d’Oransai se promenant seul, s’avança près du bassin, théâtre de l’accident d’Élise ; cette vue lui parlant plus vivement de son amour, il s’éloigna, et portant ses pas vers un bosquet voisin, il se mit à composer les vers suivants qu’il chantait à demi-voix, ne voulant pas confier son secret à des importuns.

C’est trop longtemps souffrir ma peine,
C’est trop longtemps nourrir mes feux ;
Je dois plutôt rompre une chaîne
Qui me rend ainsi malheureux.