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subit le même traitement ; les scélérats qui voulaient notre perte, nous entraînèrent sans qu’il me fût possible de porter obstacle à leur dessein. Cette entreprise s’exécuta avec tant de promptitude, que je suis encore à chercher comment ils purent la mettre à fin aussi lestement. Pendant les quelques heures de mon voyage, mes réflexions furent cruelles : je ne doutai point que je ne fusse tombé dans les mains d’Émilien, de Saint-Clair et de madame Derfeil. Dès lors je ne doutai plus que ma mort ne fût assurée ; mais combien mon désespoir fut-il redoublé par la pensée que ma cousine devait partager mon sort ! Oh ! que de fois j’invoquai le ciel ! que de fois je lui reprochai la protection qu’il donnait à des coupables, tandis qu’il souffrait que des innocents fussent accablés ! On nous avait placés chacun de nous deux sur un cheval, un homme nous portait attachés à sa ceinture, il courait au grand galop, et, autant que je pouvais le deviner, il me semblait qu’il était suivi par plusieurs personnes, qui toutes gardaient pourtant un profond silence. Ce qui redoublait mon inquiétude, était la crainte qu’on me séparât d’Honorée, et qu’il ne me fût plus permis de la revoir ; j’étais plus que certain que madame Derfeil commencerait sa vengeance en immolant cette tendre amie. On s’arrêta : les bandeaux qui couvraient mes yeux furent enlevés. Alors j’aperçus Honorée, je