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aux yeux d’Élise l’importance du service qu’il vient de lui rendre. Il a trop besoin de sa reconnaissance pour se faire pardonner le tendre aveu qu’il sent ne plus pouvoir reculer. On ramena Élise au château, ses sœurs la suivirent ; on voulait la contraindre à se mettre dans son lit, mais elle s’y refusa obstinément : Alexandre n’eût pu entrer dans sa chambre ; dans ce moment on n’oubliait point d’Oransai, chacun l’embrassait, le caressait. „Il faut, s’écria M. de Clagni, que ma fille embrasse son libérateur.” Alexandre ne se le fait point répéter, il vole vers Élise ; celle-ci, trop peu adroite, ne sait point refuser, et c’est en présence d’une famille qu’Alexandre donne, et qu’Élise reçoit le premier baiser de l’amour.

Il était tard quand d’Oransai se retira ; son sommeil ne fut point tranquille : il voyait Élise ; comme une ombre légère, elle venait s’offrir à son imagination.

Élise n’était point grande, mais sa taille peu élevée était pleine de grâce ; rien n’égalait la vivacité de ses yeux superbes ; sa bouche où, sous une rose, brillait le plus blanc émail, et qui embellissait Élise par un sourire si aimable que rien ne peut en rendre les charmes ; la peau d’Élise était d’une blancheur éblouissante ; son pied d’une extrême petitesse ; enfin tout son ensemble plaisait, et son esprit naturel, impétueux, et quelquefois malin, sa conversation légère et variée, prêtaient de