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rien ne fut oublié pendant mon récit. Ému, sans doute, par l’air de vérité qui régnait dans mes accusations, je voyais Melclar pâlir, rougir tour à tour.

À peine ai-je terminé, qu’il s’écrie avec emportement : « Ô ! Clotilde, pourrez-vous vous justifier ! »

— « Oui, sans peine, je le pourrai, dit celle-ci en sortant de son alcôve, dont les portes s’ouvrent avec impétuosité, en me laissant voir mesdames de Nelsor, de Montalbain, etc., messieurs de Ternadek, Armand de Sérac, etc. Je connus à l’instant dans quel piège j’étais tombé, mais je ne craignais rien, j’avais avec moi apporté la vengeance. Toute l’assemblée jetait sur moi un regard d’indignation :

« Monsieur, dit Clotilde, vous qui m’accusez, où sont vos preuves ? Indigne calomniateur ! vous êtes démasqué : un sot peut se vanter des faveurs qui lui furent accordées, un fat suppose celles qu’il n’obtint jamais. »

Cherchant à imiter son sang-froid, voulant retenir ma juste fureur : « Madame, lui dis-je avec tranquillité, comme je ne veux point passer ni pour un sot, ni pour un fat, voici une lettre qui dans la minute va décider lequel de nous deux est le vrai coupable. » Je dis, et je sors de ma poche la lettre accusatrice. À cette vue foudroyante, Clotilde a senti sa perte ; elle pousse un cri m’appelle monstre ! s’élance pour m’arracher le fatal papier ; mais