Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226

retenir ou de me permettre de me rendre chez Clotilde.

Honorée, vivement émue de tout ce que je venais de lui dire, ne sachant, d’abord, que me conseiller, finit cependant par m’engager à faire une dernière démarche qui ôterait à madame Derfeil tout prétexte de m’accuser d’ingratitude ; elle me fit promettre de ne manger que ce que tout le monde aurait goûté, de ne rien accepter de la main de mon ennemie ; je lui donnai l’assurance certaine de ma prudence ; nous nous séparâmes après nous être tendrement embrassés et je fus rejoindre Adelphe qui m’attendait avec impatience ; sa joie fut extrême lorsqu’il apprit que je consentais à le suivre ; nous partîmes sur-le-champ ; j’avais déjà fait une centaine de pas, lorsqu’une pensée subite m’ayant frappé, je m’arrêtai :

« Attendez-moi, dis-je à Adelphe, je suis sorti sans prendre un mouchoir, je vais en toute hâte en chercher un. »

Ce n’était pas un mouchoir qui me manquait, mais une inspiration de ma bonne fortune venait de me dire qu’il ne fallait pas que je revinsse chez Clotilde, sans porter avec moi la lettre que j’avais retenue lorsque je lui rendis tous ses dons ; cette lettre en disait beaucoup plus que je n’eusse pu en dire moi-même.

Après m’être muni de cette pièce importante, je suis revenu et nous avons continué notre