LETTRE XXXIII
Clotilde Derfeil à Justine de R....
ue de temps s’est écoulé depuis le jour
où, heureuse pour la première fois avec
Philippe… Ah ! Justine, ne rappelons
plus ces délicieux moments, ils se sont écoulés
avec la rapidité de l’éclair ; mais ils ont
laissé dans mon cœur une impression bien cruelle.
C’en est fait, mon amie, il n’est plus de
bonheur sur la terre pour Clotilde. La dissipation,
les nouvelles intrigues, rien ne peut cicatriser
ma fatale blessure. Oui, j’aime encore
le mortel qui m’abhorre, c’est encore à lui que
se rapportent toutes les pensées de mon âme ;
c’est toujours pour lui qu’elle est embrassée.
Hélas ! pourquoi n’ai-je point su lui plaire jusqu’au
tombeau ? Pourquoi ai-je entre lui et moi
élevé une barrière qui ne pourra jamais s’abaisser ?
Et quand elle disparaîtrait, aurai-je encore
le temps de jouir de mon nouveau bon-